Qui ne connaît le capitaine Matamore: ‘’Bravache devant les amis, lâche devant l’ennemi’’ tel que le décrit Machiavel. Cette figure de la Comedia dell’arte s’est invitée dans la politique américaine depuis la deuxieme campagne de Donald Trump et surtout depuis son refus pitoyable d’un deuxième débat avec Kamala Harris, une attitude unique -au moins depuis la deuxième guerre mondiale
Que nous apprend donc cet épisode à priori bien léger et qui était passé presque inaperçu?
Beaucoup de choses sur la mécanique populiste dont Donald Trump.
La dérobade de l’ancien président n’est ni un hasard, ni le résultat d’une faiblesse particulière du personnage. Elle illustre une forme de négation de l’adversaire politique qui est une donnée fondamentale du populisme.
A la base de cette idéologie rudimentaire, il y a la peur inavouée de l’autre, qui n’est pas un adversaire politique avec lequel s’instaure une relation conflictuelle bien que civilisée, mais le ‘’Mal’’ devant lequel le populisme construit un mur de mensonges et d’illusions toujours plus irréaliste… Ce qui est au fond une dérobade.
A l’échelle du chef, seul les croyants à la foi chevillée au corps sont dignes de respect. Il rayonne au milieu de ses troupes et il n’attend du reste de la population que la conversion ou la soumission.
Pour le capitaine Matamore, le monde se divise entre les admirateurs béats et l’ennemi, prudemment tenu à distance.
Pour le leader populiste aussi le champ politique légitime se réduit à cela. Au delà, il n’y a dans le pays que ‘’ l’ennemi de l’intérieur’’, un concept que Donald Trump développe maintenant dans ses discours de campagne ; une fuite en avant vers un extrémisme nouveau dans la république américaine. À l’inverse du langage rassembleur des candidats en general, figure imposée chez ses prédécesseurs, il n’est vraiment le président que des ‘’bons américains’’.
Triste spectacle quand on songe au projet des membres de la convention de Philadelphie qui, en 1787, avaient justement conçu leur projet républicain en opposition totale à l’absolutisme. Leur système était au contraire celui de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs : le check and balance, et de la recherche du compromis : le bipartisanship. On peut espérer que la majorité des Américains ne se laissera pas berner. Et qu’ils observeront que Trump, tel le capitaine Matamore, est exactement dans sa démarche inverse. Son refus de débattre avec la vice présidente s’inscrivait parfaitement dans cette logique et il est en cela radicalement anti américain. Hâbleur et poltron ; il se protège dans un monde artificiel construit par ses mensonges, parade devant ses troupes et évite l’adversaire, c’est à dire le réel. Tout cela marche en vase clos, et sa rhétorique de campagne de plus en plus outrancière indique bien qu’il n’est plus dans le réel puisqu’il ne s’adresse qu’à sa base. Et qu’il ne convaincra sans doute pas les hésitants sauf à la marge.
Ce nouvel isolationnisme, cette forteresse métaphysique au sens le plus étymologique du terme n’est heureusement pas invulnérable.
Et le pari de Kamala Harris est de voir les Américains, renvoyer vers son insignifiance Donald Trump, le nouveau capitaine Matamore, qui a offert en juillet dernier une scène digne de la comedia dell’arte en passant la tête hors du mur formé pour le protéger par les agents du secret service en hurlant ‘’Fight ! Fight ! Alors que le combat était fini et que quiconque a la moindre connaissance de l’emploi d’une carabine sait bien qu’il ne risquait plus rien.
par
Brigitte Ades
Jean Dubois
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